Et si l’Afrique devenait l’un des continents pionniers de la révolution numérique ?

Le biomimétisme peut-il nous sauver ?

L’humanité est confrontée à de nombreux défis environnementaux et sociétaux majeurs comme le changement climatique, les crises financières et économiques, les conflits géopolitiques mais également la raréfaction des ressources ou encore les nouvelles révolutions technologiques impactant l’emploi.

Dans le monde de l’entreprise, ces challenges peuvent représenter à la fois des environnements instables, une complexification des prises de décisions ou une difficulté pour rester productifs tout comme une opportunité très intéressante pour innover.

Or, quoi de mieux que de s’inspirer de la planète et de la biodiversité qui innovent, s’adaptent et font preuve d’une ingéniosité exceptionnelle pour survivre depuis plusieurs milliards d’années d’évolution biologique, formant de fait un véritable vivier de solutions intelligentes, éprouvées et répondant de manière soutenable aux difficultés rencontrées. Cela est d’autant plus intéressant à observer que ce gisement de solutions représente la plupart du temps un juste équilibre entre la performance et la quantité de ressources et moyens utilisés pour obtenir un résultat optimal.

Partant de ce constat, c’est en 1998 que Janine Benyus, une biologiste américaine spécialisée en gestion des ressources naturelles développe la théorie scientifique du biomimétisme. Le biomimétisme consiste à analyser les systèmes biologiques et la biodiversité, à en extraire un modèle et à l’appliquer à un développement technique ou organisationnel afin de répondre à un besoin défini. Cela consiste donc à s’inspirer de propriétés essentielles d’un ou plusieurs systèmes biologiques, s’étant développés dans la nature de façon réussie, dans le but de mettre au point des procédés et des organisations qui permettent ou permettront le développement durable des sociétés sur le long terme. Tandis que l’innovation humaine peut conduire à des grands progrès tout en ayant de fortes externalités négatives parfois, les systèmes naturels et biologiques ont plutôt tendance à développer une capacité d’adaptation et d’innovation permettant d’atteindre un optimum tout en utilisant le minimum de ressources possibles pour répondre de manière soutenable aux limites qu’ils rencontrent afin de survivre sur le long terme.

De fait, nous pouvons considérer que cela fait plusieurs milliards d’années que les systèmes biologiques, la nature et la biodiversité, font de la Recherche & Développement. Ces systèmes ont innové mais surtout ils ont eu le temps de commettre des erreurs et de faire d’innombrables essais jusqu’à trouver l’adéquation parfaite ou presque entre la performance, la qualité de l’organisation ou de l’outil pour la survie du système ou de l’espèce naturelle, et la quantité de ressources utilisées pour arriver à cette performance. C’est pourquoi, il serait regrettable de se priver d’une telle source d’inspiration.

Si le biomimétisme a été théorisé de manière scientifique en 1998, de nombreuses innovations, datant même d’avant cette date, ont été développées changeant parfois la face du monde. Des vêtements aux transports en passant par l’architecture ou le stockage de données, nous vous présentons ci-dessous quelques-unes des innovations issues du biomimétisme qui ont ou qui pourraient bouleverser le futur.

En 1941, en rentrant d’une promenade, George de Mestral, un ingénieur suisse, se retrouve avec de nombreux fruits de bardane accrochés à ses vêtements. Ces fruits sont capables de s’accrocher aux poils d’animaux, ou aux vêtements humains pour se disséminer un peu partout dans la nature. En les observant au microscope, George de Mestral se rend compte que les fruits de bardane sont formés de milliers de petits crochets qui leur permettent de s’accrocher. Il reprend alors ce concept de fixation et invente le velcro ou « scratch », utilisé depuis sur des milliers de vêtements, de chaussures, etc.

 

Concernant les transports, l’ingénieur japonais Eiji Nakatsu a observé le martin-pêcheur et plus précisément la façon dont il traverse l’eau grâce à son long bec pointu pour pêcher le plus silencieusement et rapidement possible pour créer le design du TGV japonais. Ainsi, la partie avant du TGV s’inspire du bec du martin-pêcheur améliorant sa vitesse et diminuant le bruit produit par le TGV.

 

Au Zimbabwe, le centre commercial Eastgate Building situé dans la ville d’Harare s’inspire du système de ventilation des termitières. En effet, dans les termitières se trouvent des champignons servant de nourriture aux termites. Afin de maintenir leur conservation grâce à une température constante à tout moment de la journée, les termitières sont construites d’une façon très spécifique permettant une ventilation permanente. Ainsi, grâce à cette architecture biomimétique, le centre commercial n’a presque pas besoin d’être climatisé.

 

Enfin, alors que la quantité de données stockées sur la planète devrait atteindre les 175 zettaoctets, soit 175 milles milliards de milliards d’octets, d’ici 2025, les capacités de stockage rencontrent des difficultés à suivre cette croissance exponentielle. D’autant que nos données sont stockées sur des matériaux ayant une durée de vie assez limitée, consommant une très grande quantité d’énergie et ayant par conséquent un bilan carbone très élevé. Pour résoudre ce problème, un programme et équipement prioritaire de recherche exploratoire MoleculArXiv piloté par le CNRS invente et développe de nouveaux dispositifs de stockage de données sur ADN et polymères artificiels. L’objectif de ce programme est de développer l’ADN synthétique comme une solution viable pour le stockage de données. Celui possède en effet, une capacité de stockage élevé ainsi qu’une durabilité plus longue que nos data centers actuels puisqu’elle s’élèverait à plusieurs milliers d’années si l’ADN est bien conservé. Il suffit de le préserver de l’eau, de l’oxygène et de la lumière. Aussi, l’ADN étant très compact, des millions de brins d’ADN pourraient être conservé par une seule capsule. Cela permettrait évidemment des gains énergétiques mais également d’espace. Pour le moment, cette technique reste coûteuse et plus lente que les disques durs pour le transfert des données sur le support. Toutefois, à termes son développement pourrait permettre de diminuer les coûts, d’être beaucoup moins polluants et plus durables, ne serait-ce que pour la sécurité des données elle-même, alors que les disques dures doivent être régulièrement changés à l’heure actuelle, un brin d’ADN ne subirait pas autant l’usure du temps.

 

Le biomimétisme peut donc répondre à des enjeux de confort, d’innovation technique ou sociale mais aussi à des défis majeurs et mettant parfois en danger la survie de l’humanité.