Et si l’Afrique devenait l’un des continents pionniers de la révolution numérique ?
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Et si notre futur appartenait en réalité au passé ?
Et si notre futur appartenait en réalité au passé ?
Le monde qui vient serait relativement lisible et si ses échéances sont incertaines, ses grandes figures
paraissent volontiers acquises :
intelligence artificielle, véhicules autonomes, 5G, Internet des objets,
smart city, humanité augmentée, réalité augmentée, Hyperloop, télémédecine, big data, conquête
spatiale, etc.
Une histoire en quelque sorte qu’il ne resterait plus qu’à écrire et à vivre, jusqu’en 2030 si ce n’est 2050. Raymond Kurzweil, le Directeur de l’ingénérie de Google, situe précisément et depuis longtemps le passage à la singularité technologique en 2045 (Raymond Kurzweil, The singularity is
near. When humans transcend biology, Viking, 2005). Et pourtant. Cette inéluctabilité a-t-elle la force de l’évidence ?
Fondamentalement, ce futur déjà écrit néglige trois registres de facteurs.
Le premier est la diversité de nos sociétés, c’est-à-dire… des femmes et les hommes qui sont censés accueillir ces innovations, et qui pour certains vont probablement les désirer, mais pour d’autre les considérer avec méfiance sinon les rejeter. Les groupes sociaux sont loin d’être homogènes, et les acceptabilités sont loin d’être universelles.
Les innovations majeures du tournant du vingtième siècle (électricité, voitures à moteur) ont subi des décennies d’adaptation avant de s’imposer : avant 1914, Pauline de Pange retrace les décennies d’opposition de son milieu à toutes les révolutions « modernes » de l’époque (Pauline de Pange, Comment j’ai vu 1900, Grasset et Fasquelle, 1962).
Le deuxième registre négligé est celui des réactions. Penser une action sans envisager des retours en arrière est hasardeux. C’est le propre des conservatismes, ou des visions alternatives d’un futur « sans technologies » qui peut faire entendre sa force.
Le troisième registre oublié est plus important encore. Il est celui de l’imprévu, des virages que nos « road maps » actuelles n’imaginent pas. Les illusions majeures, ou la foi du charbonnier, ou les intérêts des uns ou des autres, sous-entendent une linéarité de l’histoire. Comme si 2050 devait être la continuité de 2018, en amplifiant simplement chacun des paramètres que nous connaissons aujourd’hui, qui voient le jour actuellement.
L’erreur fut commise à la fin du 19 ème siècle, lorsqu’en 1894 The Times estimait que cinquante ans plus tard les rues de Londres seraient submergées sous les chevaux et sous leurs déjections, en ignorant bien entendu le développement des véhicules à moteur, survenu quelques années plus tard.
Telle est l’interrogation centrale qui se pose aujourd’hui : le futur, tel que nous l’imaginons actuellement, sous l’apparence de ces singulières mutations, n’est-il pas en réalité pour une large part le simple prolongement des tendances et technologies que nous voyons naître depuis quelques
années ? L’imaginaire de notre avenir n’est-il pas, au fond, la simple extrapolation de notre passé et de notre présent ?
Penser le futur impose de considérer ces interrogations de façon frontale. Pour se dire que le futur (celui que nous imaginons) n’a peut-être pas la force de l’évidence ; et pour se dire que peut-être, notre avenir commun est une histoire qui reste (vraiment) à écrire.