Et si l’Afrique devenait l’un des continents pionniers de la révolution numérique ?
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Et si l’Afrique devenait l’un des continents pionniers de la révolution numérique ?
Alors que le Président Emmanuel Macron effectue une visite officielle au Gabon à l’occasion du One Forest Summit avant de se rendre en Angola, au Congo et en République Démocratique du Congo, le Global Center for the Future est frappé par les potentialités que possède le continent africain en matière d’innovation, à rebours de ce que l’on pense trop souvent.
En effet, la révolution numérique et technologique est un phénomène global. Si elle a atteint le continent africain de manière un peu tardive, elle s’y déploie très rapidement. Ainsi, la diffusion des technologies de l’information et de la communication (TIC) date de la fin des années 1990 sur le continent. Toutefois, d’après le rapport sur l’économie du secteur mobile en Afrique subsaharienne de 2017 de la GSM Association, le taux de croissance moyen annuel de la téléphonie mobile s’élève à 6 % en Afrique, soit le taux le plus élevé au monde. Forte de sa croissance, la téléphonie mobile a même submergé la téléphonie fixe, dont le développement a été avorté. En 2016, en Afrique subsaharienne la téléphonie mobile avait un taux de pénétration de 43 %. En outre, en dix ans, entre 2005 et 2015, le nombre d’appareils utilisés sur le continent est passé de 130 à 900 millions, dont environ 200 millions de smartphones. Progressant à un rythme effréné, la diffusion des nouvelles technologies a fait exploser le nombre de communications et notamment le nombre de connexions par carte SIM, dont la progression était de 344 % en dix ans tandis que dans le reste du monde, le nombre de connexions par carte SIM est passé de 3,2 à 6,6 milliards, l’équivalent d’une progression de 107 %.
Par ailleurs, la révolution numérique en Afrique se différencie de celle d’autres continents par le fait que l’usage d’internet s’est diffusé de façon relativement faible par rapport à celle de la téléphonie mobile. Ainsi, la moyenne mondiale du taux de pénétration, c’est-à-dire le nombre d’utilisateurs d’internet pour 100 habitants, s’élevait autour de 45 % en 2016 contre 24 % en Afrique, et moins de 20 % pour les régions subsahariennes du continent. Une des causes de cette différence majeure peut être l’accès aux outils numériques : un téléphone mobile est plus accessible, tant financièrement que matériellement, qu’un ordinateur demandant une plus grande logistique au quotidien pour l’entretenir. Ces différences mais également la rapidité de la diffusion des nouvelles technologies, notamment celles de communication et d’information, en Afrique est susceptible d’accélérer le développement de celles-ci mais également d’en bouleverser le cours de son développement en sautant des étapes ou en se dirigeant vers d’autres voies de développement.
En outre, les technologies numériques représentent des enjeux géopolitiques importants, symbole de compétitivité économique et nationale, voire internationale. De ce fait, le continent africain, dont la population est très consommatrice des nouvelles technologies souhaitent désormais s’affirmer en tant qu’acteur créateur de ces technologies. De nombreuses initiatives ont ainsi été créées. C’est le cas de hubs technologiques comme la Silicon Savannah au Kenya, l’un des premiers pôles technologiques d’Afrique. D’autres hubs se situant à Abidjan en Côte d’Ivoire, à Accra au Ghana ou encore dans plusieurs villes d’Afrique du Sud se sont également développés. Ces hubs permettent de créer des espaces de travail partagés, favorisant les échanges mais aussi la mutualisation des coûts ou la mise en place de FabLabs, permettant aux start-ups de prototyper et de tester leurs innovations. La révolution numérique pourrait ainsi être l’un des moteurs de développement pour certains pays africains qui misent d’ailleurs déjà dessus.
Cependant, pour pouvoir utiliser la révolution numérique comme un moteur de développement pérenne, il faudrait que ces Etats puissent surmonter certains défis auxquels ils sont confrontés. Selon GSM Association et la Banque Mondiale, ces défis sont principalement liés au développement des infrastructures, au renforcement des politiques publiques et à l’évitement du risque de fracture numérique. Ceci est évidemment renforcé par les défis climatiques mais également démographiques et sociétaux auxquels un certain nombre d’Etat du continent sont ou vont être confrontés dans le futur.
Effectivement, si la démographie peut être vu comme un défi, elle peut également être considérée comme une chance, un avantage notamment vis-à-vis d’autres continents plus vieillissants, et de fait peut-être moins aptes à s’adapter aux nouvelles technologies de plus en plus poussées. En effet, d’après le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, plus de la moitié de la croissance démographique mondiale d’ici 2050 devrait avoir lieu en Afrique. La population du continent devrait avoisiner les 2,4 milliards en 2050 et pourrait atteindre 4,2 milliards d’ici 2100. Toutefois, c’est surtout l’âge de cette population qui pourrait s’avérer un véritable atout dans la révolution numérique puisque l’âge médian sur le continent africain devrait être de 25 ans. Cela signifie que la moitié des habitants du continent africain aura moins de 25 ans, et pour certains Etats du continent l’âge médian sera encore plus bas. Si cela pourrait poser de gros problèmes de développement, c’est aussi un avantage majeur si l’on considère que ces populations très jeunes seront aussi celles qui naîtront et grandiront avec les nouvelles technologies. Bien formées et comprenant le fonctionnement mais également les besoins des populations, elles pourraient faire partie des acteurs principaux de la révolution numérique dans un avenir proche. C’est d’ailleurs ce que recherche une partie des Etats africains qui s’étaient réunis lors des Assises de la Transformation digitale en Afrique sous le patronage du président de la République du Sénégal Macky Sall, dont la volonté était de réfléchir sur des solutions permettant de faire passer les populations africaines de simples consommateurs à producteurs de contenus, voire à créateurs de systèmes informatiques, numériques et technologiques innovants. Enfin, c’est aussi déjà en partie le cas puisque certaines innovations naissant sur le continent commencent à s’exporter vers d’autres pays, comme par exemple, M-Pesa, système de transfert d’argent et de microfinancement par téléphonie mobile lancé en Afrique de l’Est qui s’est imposé dans d’autres pays du continent et qui a également été lancé en Inde et en Roumanie.
Alors, peut-on imaginer un scénario dans lequel l’Afrique surmonte ces difficultés pour devenir l’un des continents le plus innovateur du monde ?
En 2050, et depuis plus d’une décennie, l’Afrique est devenue l’un des continents les plus peuplés au monde, l’un des plus jeunes aussi, lui donnant la dynamique suffisant pour devenir le premier producteur d’innovations technologiques et numériques au monde. Sa population très jeune est née avec les technologies, leurs usages étaient donc presque innés et comme pour compléter cette formation initiale, les Etats ont réussi à mettre en place des apprentissages spécifiques permettant à chacun de leur citoyen d’apprendre à toujours mieux se servir de ces innovations. Le continent, fort de sa population très consommatrice de technologies a pu devenir au fil du temps l’un des principaux acteurs de la révolution numérique. Dans ce scénario, les défis climatiques d’une part et démographiques de l’autre, ainsi qu’une meilleure compréhension des besoins locaux sont autant d’éléments qui ont poussé tout un continent dans une marche irrépressible vers le succès et l’innovation technologique. L’Afrique est ainsi devenue l’un des continents les plus innovants au monde. Pour preuve, dans cette hypothèse près de 50 % des brevets scientifiques et technologiques déposés dans le monde proviendraient de l’un des Etats du continent africain. Les investissements ne manquent pas et surtout l’Afrique est un passage obligé pour tout investisseur international souhaitant financer l’innovation. L’attractivité des projets africains auprès des investisseurs internationaux n’a cessé de croître ces dernières années. Malgré quelques différences entre les pays, ou entre régions africaines, la révolution numérique et technologique s’est globalement diffusée de manière égale au sein des Etats africains devenant même pour certains leur principal moteur de développement. Innovatrice sur des sujets allant du changement climatique au numérique, en passant par des technologies de pointe, et exploitant la richesse de ses matières premières tout en préservant la biodiversité, l’Afrique, devenue une pionnière, est considérée comme une véritable Silicon Valley à l’échelle continentale. En 2050, les entreprises, comme les GAFAM et les investisseurs souhaitent tous pouvoir participer à ce nouvel Eldorado. Chacun jouant ses cartes en espérant avoir l’autorisation d’accéder, de développer ou de participer aux grandes innovations africaines qui se développent aux quatre coins du continent. Mais à ce jeu, ce sont les populations africaines et leur Etats qui dictent les règles, ayant réussi à faire de leurs plus grands défis leurs plus grandes forces.
Alors, ce scénario pourrait-il se produire ?